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Société Mosaïque ou Fragmentée ?

La société mosaïque : les 10 tendances qui changent nos vies et nos façons de consommer

Societé INTUITION 11, rue Danielle Casanova 75001 Paris

www.intuition.fr

La société mosaïque 

Auteur J. Bak 

Editeur Dunod 

Date de parution   décembre 2006 

(Source : Interview de J. Bak par Dunod en 2007 http://www.dunod.com/  )

À l’heure de l’implosion des référents traditionnels – la famille, l’école, la religion, la politique, l’entreprise – la société française est en recherche d’un nouveau modèle. En s’appuyant sur six années d’enquête et d’analyse, Jolanta Bak, présidente de la société Intuition, nous invite à découvrir et à comprendre. Un ouvrage clair et documenté, indispensable aux responsables marketing, aux professionnels de l’entreprise et aux institutionnels qui doivent décider en fonction des mutations profondes de la société.

Quelles sont les notions-clés associées au titre de votre livre ?

Ce titre provient de la perception d’une société fragmentée, complexe et horizontale, ainsi que de l’absence de figures verticales ou de grandes références : désormais les individus se débrouillent comme ils peuvent en bricolant de nouvelles façons de vivre ensemble. De là, un certain désarroi pour les professionnels qui doivent travailler autrement, face à cette nouvelle donne sociétale.
Comme dans une mosaïque, les motifs existent mais ils sont plus complexes à déchiffrer, l’un des motifs étant la « tribu », un groupe social plus informel, parfois plus éphémère, régi par des principes d’affinité et d’affectivité, en cela très différents des logiques traditionnelles de classe, cible ou CSP. Ces tribu étant nombreuses et mobiles, cela crée du foisonnement, de l’instabilité.

Comment les tendances constatées s’imposent-elles à l’ensemble des catégories sociales ?

Les tendances que l’on observe naissent toujours auprès de populations innovantes. Il s’agit d’individus qui présentent des caractéristiques différentes versus la norme et expérimentent de nouvelles façons de vivre en utilisant le matériau de leur propre vie...
Ces profils de personnalités présentent environ dix caractéristiques que nous avons établies avec des sociologues et anthropologues universitaires, comme dans le cas des nouvelles familles que j’évoque dans l’ouvrage. Il s’agit ici de personnes qui ont le goût du risque, qui ont changé des choses importantes dans leur vie et qui innovent dans leur mode de vie, mais sans tapage, de façon discrète. Il s’agit souvent de profils dits hybrides ou frontaliers, issus de deux milieux sociaux différents ou de deux cultures et qui présentent une grande mobilité.
Ils sont en cela très différents des fameux trend setters qui sont plutôt de bons communicants, mais souvent assez conventionnels en terme de style de vie propre.
Ce sont les noyaux de la société, par lesquels les changements arrivent.

Comment travaillez-vous pour dégager ces tendances ou phénomènes de société ?

Nous disposons d’un ensemble de méthodes inspirées de la sociologie et de l’ethnographie.
En premier lieu, nous travaillons d’abord avec des « experts » qui sont constitués d’une part d’analystes qui réfléchissent dans un cadre le plus souvent académique et, d’autre part, de praticiens qui, dans leurs différents métiers, sont en contact direct avec les individus et donc avec les consommateurs.
Ces praticiens sont neutres, dans leur restitution de ce qu’ils voient ou entendent (pas de déclaratif), objectifs mais en prise directe avec le terrain.
Ces personnes captent et transmettent ce qui bouge ou émerge. Cela permet de capter les insights de façon empirique et nous assure que ce que nous observons est bien réel.
Cela permet aussi de percevoir les signaux faibles qui indiquent le changement. Quand ces derniers se répètent, ils deviennent des tendances. Les universitaires, quant à eux, nous aident à fiabiliser ces constats empiriques, en les reliant ou non, aux grandes évolutions sociétales, voire historiques. Nous menons également des observations socio-ethnographiques des populations dites innovantes selon les domaines de la vie ou catégories de produits. Et c’est seulement à la fin, que l’on peut parler d’une certaine forme d’intuition, elle naît d’un très gros travail de captage et d’analyse.
Mais l’identification des tendances n’est qu’un début du travail que nous menons pour nos clients en matière d’innovation produits ou de repositionnement de marques. Comprendre les tendances ne suffit pas, le plus important c’est de les utiliser !

 

Quels sont les domaines d’évolution comportementale abordés dans l’ouvrage ?

La logique que l’on a suivie est celle des grands domaines de la vie, des thèmes de société qui sont aussi nos grands domaines d’expertise. Il s’agit des évolutions auxquelles on assiste dans la famille, le travail, les croyances, les rituels, les langages du luxe, le rapport au corps, l’éthique et les valeurs, la place et l’évolution des femmes, l’émergence d’un nouveau modèle masculin, la rencontre amoureuse, la diversité culturelle… Autant de thèmes qui vont influencer les comportements concrets et les modes de consommation.

 

Dans quelles sphères assiste-t-on aux mutations les plus marquantes, voire inattendues ?

Dans toutes les sphères de la vie. Nous sommes aujourd’hui face à une société en mutation profonde, historique. Certains historiens ou sociologues comparent ce phénomène avec la fin du Moyen Âge.
Mais le domaine où la mutation est la plus évidente est certainement la famille, avec d’ores et déjà 35 % des familles qui ne font plus partie du modèle traditionnel « papa-maman-et deux enfants ». Ce pourcentage augmente à mesure que de nouvelles formes apparaissent et se développent : familles mono ou homo-parentales, recomposées… C’est dans le domaine de la vie privée – famille, rencontre amoureuse, rituels, consommation… – que les nouvelles manifestations sont les plus lisibles, les plus avancées.
Mais le reste change aussi : la politique, la ville, la distribution des richesses, la médecine… Face à un changement historique, puisqu’il s’agit du passage d’une forme de société à une autre, ce sont les domaines institutionnels qui résistent davantage, et ils sont souvent en décalage avec les individus eux-mêmes.
Ceci est vrai en France, mais nous l’observons aussi dans d’autres pays, sur d’autres continents, ce qui permet de mettre en perspective cette mutation profonde en France et ailleurs. Chaque culture négocie différemment ces changements, parfois on bloque, parfois on accélère. En France, c’est la sphère privée qui est en avance sur les institutions, c’est elle qui mène une forme de révolution silencieuse.

 

Comment les responsables marketing appréhendent-ils cette société désormais « mosaïque » ?

Ce livre est une sorte de dédramatisation de cette nouvelle donne sociétale et marketing à l’intention des professionnels de ce domaine. La mutation que cela demande au marketing est tout aussi profonde car, pour le dire simplement, on assiste à la fin du domaine dominant de mass market. On va vers davantage de segmentation et la prise en compte de consommateurs plus volatiles, plus « menteurs », plus changeants.
Cela demande de revisiter non seulement nos façons de penser, nos outils, mais encore et avant tout les business models. Celui de Zara (réactif, séries courtes) est sans doute plus adapté que bien d’autres.
Cela pose aussi de gros problèmes quant à nos sources de connaissance, nos études, nos grilles de lecture habituelles (CSP, typologie et réponses binaires…)
Les responsables d’études marketing doivent aussi faire évoluer leur grille de lecture habituelle (CSP, typologie et réponses binaires).
Dans ce domaine, nous sommes face à vraie crise méthodologique ainsi qu’à une vraie difficulté à concevoir ou à adapter, même si des démarches innovantes là aussi se font jour.
L’aspect positif c’est qu’il y a de nouvelles sources de croissance, à déchiffrer derrière cette société mosaïque, le tout est de les identifier avec précision, fiabilité et d’y répondre de façon adéquate, parfois très différente de ce que l’on avait l’habitude de produire ou de vendre.
La société actuelle est fluctuante, mouvante et pose des défis sans cesse nouveaux... Ce qui demande une très forte capacité d’adaptation au plan de la formation des professionnels, des mentalités et des structures organisationnelles.

 

Quels outils sont les plus adaptés pour cerner au mieux les tendances afin de n’être pas trop en avance ou en retard ?

Si l’on parle de l’exploitation des tendances par les marques, cela dépend de la marque que l’on gère.
S’il s’agit d’une marque niche, on a intérêt à capter les tendances émergentes. C’est ce que font les petites marques de luxe ou même les grandes qui, disposant d’une distribution propre, peuvent se permettre ce type de « risque ». Les tendances émergentes sont comme un bruit que l’on entend et que l’on intègre.
D’un point de vue marketing de marques établies et d’une certaine taille, la tendance la plus intéressante est celle qui est en train de se cristalliser, de « coller » comme dit Malcolm Gladwell, c’est-à-dire qu’elle concerne déjà un nombre de gens suffisamment important sans être pour autant galvaudée.
Ainsi des marques pionnières, qui ont su capter de nouvelles motivations et leur donner une forme articulée, un discours, des produits… garderont longtemps ce crédit que l’on accorde au premier, à l’innovateur. Comme Danone, il y a vingt ans, qui avait compris et dit haut et fort que la santé était une aspiration centrale.
Pour ne pas prendre de risques, on peut aussi innover dans des tendances établies, mais dans ce cas, il s’agit plus de déclinaisons ou d’extensions de gammes que d’innovations. Cela anime la croissance des marques, mais crée peu de croissance additionnelle.
Il y a donc des entreprises qui ont une meilleure capacité d’innover, souvent grâce à des individus et des méthodes qui aident à épouser les évolutions et à les transformer en produits, services, communications... On peut aussi noter que ces entreprises testent peu ou mieux.

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